« Mon travail, ce n’est pas seulement une question de chiffres, j’aide à améliorer le système. »
Pour garantir aux patients des résultats optimaux, il faut d’abord mesurer et analyser le rendement à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, estime l’analyste Shane Smith.
« On a tendance à me voir comme le gars des données, commence Shane Smith, mais je ne passe pas mes journées à regarder des graphiques. Je fournis des données qui aident à resserrer les procédés pour augmenter le degré d’efficacité de la chaîne d’approvisionnement. L’un des grands objectifs de cet exercice est de réduire le “gaspillage”, c’est-à-dire le nombre d’unités de sang et de produits sanguins qui ne se rendent pas jusqu’aux patients. Nous nous concentrons sur les unités qui, pour une raison ou une autre, doivent être jetées en cours de route. »
Tout processus de fabrication de produits biologiques entraîne une certaine quantité de pertes; l’objectif zéro est tout simplement inatteignable. Cependant, en 2014, quand Shane s’est joint à l’équipe nouvellement formée pour gérer les procédés de la chaîne d’approvisionnement, le taux de rejet était en hausse depuis plusieurs années. L’augmentation n’était pas dramatique, mais elle était suffisante pour soulever des inquiétudes. L’équipe a donc commencé par analyser les raisons de cette hausse, puis a proposé des moyens de l’enrayer et de diminuer le taux de rejet. Il fallait, dans un premier temps, se concentrer sur le processus de don.
Maximiser chaque don
« Il peut y avoir des problèmes causés par le prélèvement, explique Shane. Par exemple, il peut arriver que des unités de sang soient de “poids insuffisant”, c’est-à-dire qu’elles contiennent peu — ou pas — de sang utilisable. Elles peuvent également être de “faible poids”; ce qui signifie qu’elles ne contiennent pas assez de globules rouges, même si elles ont peut-être du plasma pouvant être utilisé. Ces unités de poids insuffisant ou de faible poids constituent la cause numéro un des rejets. Lorsque nous avons commencé à étudier le problème, en 2013-2014, elles représentaient la moitié des rejets, soit 4,1 % sur un taux global de 8,2 %. »
Pour y remédier, nous avons d’abord examiné les pratiques de phlébotomie, soit la manière dont le sang est prélevé des donneurs. Les équipes de gestion ont travaillé de près avec le personnel des centres de donneurs afin d’établir les meilleures pratiques, d’élaborer des protocoles de formation et de prévoir de la formation supplémentaire au besoin. Elles ont également fourni aux phlébotomistes un outil qui les aide à repérer les veines plus facilement. Lorsque la phlébotomiste pique à côté de la veine ou n’insère l’aiguille que partiellement, il peut être difficile de remplir la poche au niveau désiré, sans compter que cela risque de rendre l’expérience du donneur désagréable et de lui enlever le goût de donner du sang. De telles expériences peuvent en outre avoir un effet négatif sur les résultats de collecte.
« Notre projet a vraiment contribué à réduire le taux de rejet, se réjouit Shane. Le pourcentage de rejet à cause d’unités de poids faible ou insuffisant a diminué d’un point complet de 2014-2015 à 2018-2019. Concrètement, cela se traduit par près de 8 000 unités de sang supplémentaires dans le système de santé chaque année. »
Sécuriser chaque maillon de la chaîne
La chaîne d’approvisionnement compte de nombreuses étapes : prélèvement, stockage initial et transport; analyse, préparation et entreposage dans un établissement de la Société canadienne du sang; et enfin, livraison aux banques de sang des hôpitaux via notre réseau de distribution. Plusieurs raisons peuvent obliger la Société canadienne du sang à rejeter une unité de sang à l’une ou l’autre de ces étapes. Voici les principales :
- L’unité a atteint la période de conservation maximale de 42 jours. Notre équipe de planification des stocks travaille avec les centres régionaux afin de réacheminer le sang selon les besoins. Grâce à l’amélioration de cette procédure, le nombre de rejets dus à la péremption des produits a diminué de plus de la moitié au cours des dernières années.
- L’unité est écartée à l’étape de la préparation à cause d’un problème tel qu’une filtration incomplète ou une hémolyse (destruction des globules rouges entraînant la libération de leur contenu dans le plasma). Les équipes de gestion des procédés et des centres de production ont scruté les étapes de préparation à la loupe en vue de trouver des moyens de régler le problème. Leur minutie a porté fruit; en cinq ans, le taux de rejet est passé de plus de 2 % à environ 1,5 % en 2018-2019.
- Un lot d’unités est égaré à cause d’un imprévu ou de problèmes logistiques, souvent causés par des circonstances exceptionnelles. Ce type d’incident survient surtout lorsque les conditions météo sont difficiles ou que les températures fluctuent au-delà des paramètres acceptables, généralement en raison de dommages au matériel de réfrigération des camions ou des centres de donneurs. Les régions font un suivi de ces incidents et réagissent en faisant enquête et en offrant de la formation additionnelle pour éviter le plus possible que la situation se reproduise.
En amélioration constante
« Chaque fois qu’on écarte une unité, cela équivaut non seulement à la perte d’un don de sang, mais aussi à une perte de temps pour le donneur, fait remarquer Shane, sans parler des coûts que cela entraîne, coûts qui, au bout du compte, sont payés par le contribuable. Plusieurs motivations nous poussent donc à continuer de faire baisser le taux de rejet. Bien sûr, nous voulons atteindre nos objectifs de productivité, mais surtout, nous voulons que le système soit efficace pour les patients et les donneurs.
Le nombre de rejets baisse proportionnellement aux progrès de l’équipe de gestion des procédés. En 2018-2019, le taux ajusté était de 6,1 % alors que cinq ans plus tôt, il se chiffrait à un pic de 8,2 %. Ces progrès, qui se traduisent en économies annuelles d’environ 2,5 millions de dollars, sont encourageants, et Shane et ses coéquipiers canalisent leurs efforts pour poursuivre sur la même voie.
L’équipe trouve aussi gratifiant de voir que son travail sert à d’autres collègues. « Plus de gens nous demandent d’avoir accès aux mesures et aux autres données que nous compilons, explique Shane. Ils utilisent cette information pour orienter des initiatives qu’ils veulent mener dans leurs régions, dans des centres de donneurs ou encore dans des centres de production. L’engagement et le travail quotidien des équipes sur le terrain font bouger les choses. C’est d’ailleurs de cette façon que nous réussirons à réduire davantage le taux de rejet et à garder plus de sang dans le système; par un engagement collectif pour travailler plus efficacement, trouver des moyens d’améliorer le rendement et ajouter de la formation lorsque cela s’avère nécessaire. En gros, il s’agit de transposer à l’échelle locale ce que font nos équipes. »
C’est ce sentiment partagé de faire quelque chose d’utile que Shane trouve le plus enrichissant dans son rôle à la Société canadienne du sang. « J’ai travaillé dans d’autres secteurs de la santé, mais aucun n’était aussi en accord avec mes valeurs personnelles, affirme l’analyste. Mon travail, ce n’est pas seulement une question de chiffres, j’aide à améliorer le système. Je sens que j’ai un impact plus direct sur la vie des patients. »
Culture qualité
En mars 2019, nous avons mesuré la perception des employés quant aux principaux aspects d’une culture axée sur la qualité. Nous leur avons demandé s’ils avaient le sentiment de jouer un rôle dans la gestion de la qualité et ce qu’ils pensaient de l’engagement de leurs pairs et des messages des dirigeants. De toutes les organisations qui ont mené le sondage, nous sommes dans les 20 % les mieux cotées et au même niveau que nos homologues du secteur pharmaceutique. Il est gratifiant de savoir que nous nous situons dans le premier cinquième des organisations qui s’efforcent d’instaurer une culture qualité est gratifiant. Les résultats du sondage nous donnent également une mesure concrète de nos efforts et un objectif pour faire encore mieux.